jeudi 11 août 2016

Mila Younes : La vie est nomade

Couverture
Après avoir publié Ma mère, ma fille, ma sœur (2004), Mila Younes poursuit son récit autobiographique avec Nomade, un autre pan de son vécu de femme assoiffée de liberté. Née à Paris en 1953, de parents algériens, Mila Younes arrive au Québec vingt-cinq ans plus tard. C’est sa vie nomade dans l’Est et dans l’Ouest du Canada que raconte Nomade.
Femme berbère, Mila Younes est loin d’être soumise aux valeurs traditionnelles qui relèguent les femmes à un rang subalterne, voire à une oppression institutionnalisée. Même si elle a accepté le mariage arrangé par ses parents, Mila s’est révoltée contre l’oppression de sa belle-mère, a quitté son mari et son fils, s’est mis à dos son père et, surtout, sa mère. Tout cela nous a été raconté dans Ma mère, ma fille, ma sœur.
Nomade commence avec l’arrivée de Mila a Québec en 1978. À partir de ce moment-là, elle s’embarque dans une remise en question et une réflexion sur son identité. Elle se demande si elle arrivera jamais à se soustraire aux traditions de ses racines berbères. Tout le livre est «un voyage sur une route déconcertante».
Mila Younes découvre le Québec sur le pouce, y rencontre Marc-Alexandre, l’épouse et met au monde une fille. Elle écrit pourtant que «les malheurs se sont succédés les uns après les autres depuis mon arrivée au Canada.» Peut-être est-elle trop fixée sur son arbre et incapable de voir la belle forêt qui l’entoure… Chose certaine, Mila Younes examine son vécu sous toutes ses facettes et nous en donne des descriptions détaillées, voire fastidieuses, qui rendent parfois la lecture de Nomade ennuyeuse.
Ce récit nous fait découvrir une femme qui a une immense soif de liberté. Mila affirme d’ailleurs qu’il lui est impossible de vivre mariée toute une vie avec la même personne. Femme qui refuse de vivre en circuit fermé, Mila cherche constamment à élargir ses horizons. Et c’est l’écriture qui lui sert d’exutoire. «Elle m’aide à percevoir le monde intérieur, à réfléchir et à regarder avec courage ce qui se manifeste.»
Je dois avouer que j’ai eu l’impression, au cours de ma lecture de Nomade, que Mila Younes avait une très (trop) haute estime de son vécu. Elle écrit moins pour réfléchir que pour s’assurer que personne ne changera son histoire et l’analyse qu’elle en fait.
Il n’en reste pas moins que ce témoignage vibrant de Mila Younes, nourri par la solidarité des gens qui croisent son chemin, trace les jalons d’une authentique recherche de liberté, la sienne et celle qu’elle souhaite pour tous les peuples. Mila Younes ose, elle apprend à vivre autrement que selon les diktats de sa culture d’origine et, tout en allant à la rencontre des peuples autochtones (côte Ouest du Canada), elle part en quête de son identité véritable.
* Cet article a été publié par Paul-François Sylvestre le 16 juin 2009 dans L'Express de Toronto.
Mila Younes, Nomade, suite de Ma mère, ma fille, ma sœur, récit autobiographique, Ottawa, Éditions David, 2008, 352 pages, 22,95 $.

mercredi 10 août 2016

Omar Arhab immortalise un village de Kabylie

Qui connaît Zountar en dehors de ceux qui y sont nés ? C’est, certes, un lieu, un village de Kabylie, dressé non loin d’une rivière qui prend le nom d'Akbou. Et c’est de ce lieu qu'Omar Arhab veut nous entretenir. Pour cela, il a délaissé pour un moment sa caméra pour saisir sa plume et sortir ce village de l’oubli.

À travers une fiction, mariant le rêve à la réalité, Omar Arhab nous présente des personnages du terroir sortis tout droit des contes de nos grands-mères. Il nous présente ainsi des fragments de vie qui tiennent plus de la légende et qui nous sont restitués par le miracle de l’écriture.

« Quand de mystérieux rêves viennent hanter les habitants d'un village kabyle, chacun ne manque pas de s'interroger sur les messages qu'ils recèlent. Positif ou négatif ? Tragédie annoncée ou signe de bienveillance ? Un événement qui devient, sous la plume d'O. Arhab, le prétexte pour croquer une galerie de personnages attachants, truculents, charismatiques, emplis de folie douce. Ainsi l'Amiral, Majnoune le fou des lieux, Izem le héros, Titoh, Khalti Zahra ou Yamina peuplent ces pages portées par une tendresse prégnante... Mais surtout, et pour longtemps, notre esprit. »

Voilà un recueil de nouvelles liées par le fil conducteur d’un lieu et de personnages colorés avec leurs rêves et leurs peurs ancestrales.


Avec « Zountar a rêvé », Omar Arhab trace avec humour, un sourire complice avec nos angoisses existentielles.

Marie Cardinal

Marie Cardinal
1928-2001
Deux romans, entre autres, ont consacré cette romancière d’origine algérienne : «La clé  sur la porte» en 1972 et «Les mots pour le dire», en 1975. Le premier a été adapté au cinéma par Yves Boisset.

Née à Alger le 9 mars 1929, Marie Cardinal a étudié la philosophie  d’abord à l’Université d’Alger, puis à la Sorbonne à Paris où elle a soutenu une thèse sur Philon d’Alexandrie. De 1950 à  1960, elle enseigne le français à Salonique, Lisbonne, Vienne et Montréal. Lectrice chez Gallimard et Grasset, journaliste, Marie Cardinal a obtenu en 1962, le Prix international du premier roman pour «Écoutez la mer» et, en 1976, le Prix Lettré pour «Les mots pour le dire». Après Albert Camus, Marie Cardinal, profondément enraciné dans son temps, a parlé avec émoi de son pays natal.

L’écrivain a joué dans Mouchette de Robert Bresson et dans Deux ou trois choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard. Décédée le 9 mai 2001 des suites d’une longue maladie, à Avignon, Marie Cardinal laisse une œuvre riche, traduite en plusieurs langues.

Madame Diane Lemieux, ministre d’État à la Culture et aux Communications a rendu hommage à cette femme dont « l’œuvre a touché, fait réfléchir et souvent même fait avancer notre société (…. Elle a exploré l’âme humaine dans ses dimensions les plus intimes et, à travers sa propre expérience de la vie avec « les mots pour le dire », elle nous a révélé à nous-mêmes comme peu d’autres avant elle avaient su le faire. » 

Pour aller plus loin :


Marie Cardinal, La mort pour le dire, Claire Devarrieux in Libération du 10 mai 2001.

lundi 8 août 2016

Djemila Benhabib : un troisième livre consacré aux femmes du Printemps arabe

C’est dans un des étages de l’immeuble Quebecor qu’a eu lieu hier soir, à Montréal, le lancement du dernier livre de Djemila Benhabib : « Des femmes au printemps », un livre qui vient de paraître aux éditions VLB. Un livre témoignage puisque Djemila a passé quelques semaines en Égypte et en Tunisie pour constater et décrire le vécu des femmes après ce qu’on appelle le printemps arabe. Un livre que l’on peut classer dans le contexte de l’Histoire immédiate. Un travail de journaliste et de témoin.

Dans la quatrième de couverture de ce livre, l’éditeur note : « au cœur du combat pour l'avènement de véritables démocraties dans le monde arabe et musulman, deux batailles décisives sont en cours : l'une pour la liberté des femmes, et l'autre, pour la séparation des pouvoirs politique et religieux. En Tunisie comme en Égypte, les victoires électorales de l'islamisme politique mettent en effet en grave péril des acquis laïques et progressistes obtenus de haute lutte par le passé. D'où viendra la lumière ? Djemila Benhabib est convaincue, avec d'autres, que ce sont les femmes qui achèveront les révolutions du printemps arabe ».

Le lancement du livre a eu en présence notamment de M. Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc québécois, et de M. Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor. Des journalistes du réseau du groupe étaient également présents. C’est dire l’importance accordée à ce lancement d’un livre qui veut attirer l’attention sur l’après-printemps arabe. En d’autres termes, sur les désillusions.

Djemila Benhabib qui a reçu récemment le Prix international de la laïcité 2012 sera présente au 35e Salon du livre de Montréal qui s’ouvre ce mercredi soir, à la Place Bonaventure. Un salon que l’on peut dire quelque peu politique puisque Lucien Bouchard, ancien Premier ministre du Québec présentera son livre « Lettres à un jeune politicien ». Gabriel Nadeau-Dubois qui est monté au créneau durant la grève étudiante, a signé pour sa part, la postface du livre « Le souffle de la jeunesse ».  Claude Castonguay parlera, lui, de la « Santé : l'heure des choix » alors que Jean Cournoyer évoquera sa vie mouvementée « Dans le feu de l'action ».

C’est aussi de l’histoire immédiate à découvrir.

* Cet article a été publié le mercredi 14 novembre 2012



« Allah au pays des enfants perdus » un roman grave de Karim Akouche

Karim Akouche vient de publier « Allah aux pays des enfants perdus » aux Éditions Nord-Sud. Dans le communiqué annonçant la parution du livre, il est dit que c’est un « roman-réquisitoire montrant le vrai visage de l’Algérie qui, cinquante ans après l’indépendance, est gangrénée par l’islamisme et la corruption. » L’auteur « brise les tabous » et,        « comme dans une pièce de Shakespeare, il mêle la comédie à la tragédie, le rire au sérieux, le rêve au désespoir. Il dépeint les destins d’êtres attachants qui cherchent à quitter un pays absurde ».  C’est aussi, lit-on, « un roman libérateur qui rend justice à la jeunesse désemparée, oubliée par les politiques, les médias et le temps qui passe ».
N’ayant pas encore lu le livre, j’ai posé deux questions à Karim Akouche qui a bien voulu me répondre :

Pourquoi ce titre « Allah aux pays des enfants perdus » ? Cela ne risque-t-il pas de choquer ? Cela me fait penser à l’ouvrage de l’écrivain italien Carlo Lévi « Le Christ s'est arrêté à Eboli » un roman autobiographique qui parle de la misère des paysans dans un village d’Italie où il a été forcé à l’exile intérieur par les fascistes de son époque.

Le titre de ce roman est religieusement incorrect. Il est non-conforme aux canons et règles de l’Algérie officielle. Il est évocateur et provocateur à la fois. Le but recherché est de titiller non pas les âmes sensibles, mais les âmes noires, les obscurantistes. On pourrait faire toute une étude sociologique sur ce titre. En Algérie, on met le mot « Allah » à toutes les sauces. Si un Algérien veut corrompre son frère, les stratagèmes les plus affectionnés sont « Inch’Allah », « Allah ghalleb », « Mach’a Allah »,… De plus, nous nous définissons comme des « Hommes libres », alors que nous ne sommes que des « enfants perdus ». Bref, le titre « Allah au pays des enfants perdus » tranche avec le ton officiel, religieux et féodal qui règne en Algérie, que j'ai surnommée ironiquement dans le roman "l'Absurdistan"

N’ayant pas encore lu le livre, J’ai écouté en revanche ton interview sur Radio-Canada International le 25 septembre dernier. Maryse Jobin a soulevé la question de l’absence de femmes dans le roman. J’aimerais de mon côté parler de la couverture du livre et relever l’image d’une petite fille portant un seau d’eau et tenant la main à un garçon ou à une fille de son âge – rien n’est sûr, puisque l’image n’est pas complète - est-ce un choix de cadrage ? Est-ce que cette illustration correspond à un moment du roman ?

La toile « Enfants aux seaux », réalisée par le grand peintre Hocine Ziani, est une œuvre profondément shakespearienne, au sens où l’artiste a réussi, avec brio, à mêler la tragédie à l’espoir, l’innocence à la virilité, le feu à l’eau. Il y a une scène similaire dans mon roman où des jeunes courent, les seaux à bout de bras, pour éteindre des flammes. Il est des trouvailles analogues que font séparément les artistes qui ne s’expliquent pas. Est-ce parce que l’art est l’inconscient collectif mis en forme ou juste une émotion universelle qui jaillit des tripes des hommes sensibles ?

 Bonne continuation, Karim.

Informations :
Éditions Dialogue Nord-Sud
(438) 764-9315
dialoguenordsud@gmail.com
www.editionsnordsud.ca


* Article publié une première fois le jeudi 27 septembre 2012

dimanche 7 août 2016

En guise d'introduction

Ce blog est un espace de réflexion et de recension à propos de la littérature algérienne migrante en Amérique du Nord. Il est question d’un état des lieux et des perspectives qui s’offrent à cette littérature.

Le site était auparavant hébergé chez Voila.fr et était consacré à la littérature migrante au Canada. C’était trop ambitieux. Le manque de temps et de ressources m’oblige aujourd’hui à me limiter à ce que je connais le mieux c’est-à-dire, les auteurs algériens qui résident en Amérique du Nord. 

Par littérature, je n’entends pas seulement le roman ou la poésie, mais tout ce qui s’écrit comme l’essai, le pamphlet, etc. 

J’espère que vous apprécierez le contenu de ce site et je vous souhaite d'agréables découvertes.