samedi 26 octobre 2024

𝐃𝐣𝐞𝐛𝐞𝐥𝐬 𝐝𝐞 𝐌𝐮𝐬𝐭𝐚𝐩𝐡𝐚 𝐂𝐡𝐞𝐥𝐟𝐢

 

Mustapha Chelfi vient de publier à Alger, chez Casbah Éditions, Djebels, un roman de 336 pages. Dans la quatrième de couverture, l’éditeur résume ainsi l’histoire : 

« Autour du personnage truculent de Benyoucef, Djebels déroule, à la manière d’Isabelle Eberhardt – oui, l’écriture mérite la comparaison –,  l’histoire de trois communautés, musulmane, chrétienne et juive, qui cohabitent et s’affrontent tandis qu’autour d’elles, la guerre embrase le paysage et pousse les protagonistes à leurs extrémités. Le récit se déroule à Miliana, au pied du Zaccar où les combats font rage ce début de guerre de notre libération.

« Au-delà d’un récit où la réalité et la fiction cohabitent et s’entremêlent, le sentiment d’un aboutissement inachevé et de gâchis transparaît, aujourd’hui, avec d’autant plus de cruauté que le temps et l’histoire du pays ont fait leur œuvre.

« Après une longue carrière de journaliste, Mustapha Chelfi signe ce formidable roman qui croque, à la manière d’Isabelle Eberhardt, des scènes de vie à Miliana, au pied du Zaccar que la guerre embrase aux premières heures de la Révolution de 1954. Trois communautés, musulmane, juive et chrétienne, y cohabitent et s’affrontent dans une fausse tranquillité qui présage les brisures futures.  

« Dans ce « Djebels » où s’entremêlent de façon magistrale la réalité et la fiction, Mustapha Chelfi nous fait don de son sens de l’humour et du sentiment d’un irrémédiable gâchis ».

Djebels est le second ouvrage écrit par Mustapha Chelfi après le recueil de nouvelles Le journal d’un galérien en 2011 qui relate les souvenirs romancés d'un enfant durant la guerre d'Algérie.


dimanche 20 octobre 2024

𝐌𝐞𝐡𝐚𝐧𝐚 𝐀𝐦𝐫𝐚𝐧𝐢 𝐞𝐭 𝐥𝐚 𝐏𝐨é𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐝𝐞 𝐊𝐚𝐭𝐞𝐛 𝐘𝐚𝐜𝐢𝐧𝐞

Je reproduis ici une discussion sur Facebook de Djaffar Kaci, auteur et animateur d’un groupe de discussion Échos littéraire, et Mehana Amrani, auteur d’un essai sur la Poétique de Kateb Yacine ou L’autobiographie au service de l’Histoire paru chez L’Harmattan en 2012. L’entrevue a eu lieu le 19 octobre de cette année.

Echos littéraires - On ne finira sans doute jamais d’écrire sur Kateb Yacine, tant son œuvre est multiple et généreuse. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que son œuvre est inscrite au programme de la Comédie-Française en 2003. Pourquoi avoir écrit La poétique de Kateb Yacine ?

Mehana Amrani - J’ai beaucoup travaillé sur l’œuvre de Kateb Yacine depuis le temps où j’enseignais en Algérie. Par la suite, j’ai donné des communications sur cet écrivain dans des universités étrangères, dont l’Université autonome de Barcelone où j’évoquais l’écriture fragmentaire de Kateb Yacine. Certaines de ces communications ont paru dans des revues ou des ouvrages collectifs. Par la suite, en 2007, j’ai soutenu à l’université de Montréal une thèse sur Kateb Yacine. J’ai donc pris une partie de ce travail que j’ai un peu condensé pour en faire un livre. Au fil de mes recherches sur l’œuvre de Kateb Yacine, je découvre que la fragmentation chez lui se décline en une multitude de facettes. D’abord, le récit ne se conçoit pas de façon linéaire. Mais en fait, dans un seul livre, il y a, non pas un récit, mais plusieurs récits qui s’enchevêtrent. Et ces récits, eux-mêmes sont des fragments issus de plusieurs matériaux : autobiographiques, historiques, mythiques et poétiques. La fragmentation se lit aussi dans la façon de narrer des personnages katébiens : tous narrent par bribes ; la parole prend des pauses, impose des silences, laisse la liberté au lecteur de conjecturer… Il faut savoir que Kateb Yacine utilise les trois points de suspension à 420 reprises rien que dans Nedjma.

Echos littéraires - On dit de Kateb Yacine, qu’il est devenu poète au rythme des pauvres semaines grises, des semaines où il n’y avait que de simples croûtes à se mettre sous la dent. Pourquoi à votre avis cette difficile disette ?

Mehana Amrani -Je ne pense pas que la pauvreté soit à l’origine de la poésie de Kateb. Il a commencé à écrire des poèmes au temps où sa situation familiale était relativement aisée, son père était Oukil (juge musulman sous la colonisation). C’est vraiment l’expérience à la fois traumatisante et féconde des massacres de Sétif, Kherrata et Guelma qui l’a vraiment inspiré.

Echos littéraires - Kateb Yacine disait que s’il n’y avait pas eu les massacres du 8 mai 1945, il serait resté un poète obscur. L’observation participante in situ, est donc aussi déterminante que ça ?

Mehana Amrani - J’utilise l'expression, la poétique participante en référence au modèle sociologique de l’observation participante où le chercheur s’implique dans l’objet observé et enquêté. Ainsi, l’histoire personnelle se confond avec l’histoire du pays. Kateb Yacine avait conscience en même temps que ce qui lui arrivait est aussi le lot de beaucoup d’Algériens à ce moment-là. C’est pourquoi, il emploie l’expression paradoxale et oxymorique, mais juste d’autobiographie plurielle. Par-là, il voulait dire que son malheur, c’est aussi celui de ses concitoyens et du pays dans son ensemble. Mostéfa Lacheraf utilise un mot-clé pour analyser le roman Nedjma. En parlant d’exorcisme. Je le cite : C’est à croire qu’il faisait de ce roman si bien équilibré dans son incohérence apparente, écrit d’une plume sûre et combien attentive, une sorte d’exorcisme sans passion de ce qu’il avait vécu lui-même à Sétif et dont il restait marqué pour la vie. L’expérience de vie de Kateb Yacine sous le régime colonial a réorienté et complètement métamorphosé non seulement la poésie, mais tous ses écrits. L’écrivain va jusqu’à dire que son séjour en prison constitue un des meilleurs moments de la vie, car c’est là qu’il découvre son peuple, la révolution et une autre forme de poésie.

Echos littéraires - Vous évoquez aussi la singulière autobiographie, cette autobiographie qui ne se décline que sur le mode fragmentaire. Pourquoi Kateb Yacine y trouve toute son énergie ?

Mehana Amrani - L’autobiographie est fragmentaire chez Kateb Yacine s’explique de différentes façons. D’abord, parce que l’œuvre de Kateb Yacine est produite, si je peux m’exprimer ainsi, de différentes matières, dont l’autobiographie, l’histoire, le mythe… Ensuite, des éléments autobiographiques les plus traumatisants surgissent par intermittence dans l’œuvre. Il en est ainsi de la folie de la mère, de l’expérience de la prison, de la description des massacres du 8 mai 1945 dans Nedjma et Le Cadavre encerclé. D’autre part, Kateb reste traumatisé par ces massacres de Sétif, Kherrata et Guelma, de telle sorte qu’ils n’arrivent pas à les oublier. Ils reviennent donc le hanter à chaque fois prennent une forme textuelle dans son œuvre ou orale dans ses entretiens ou interventions publiques. Enfin, à propos du fragment autobiographique, Kateb recourt à deux techniques littéraires : la poétique de la répétition et le retour du personnage. Ainsi la mère de l’écrivain et Lakhdar font partie des revenants d’une œuvre à une autre.

Echos littéraires - Si Kateb Yacine considérait le français comme un « butin de guerre », il s’est toujours élevé contre la politique d’arabisation en revendiquant l’arabe dialectal et le tamazight (le berbère) comme langues nationales. 35 ans plus tard, y a-t-il eu un sursaut ?

Mehana Amrani - Les questions linguistiques ont toujours préoccupé Kateb Yacine. Et comme toujours son expérience personnelle entre en ligne de compte. Cela se vérifie dans l’épisode où il s’est perdu en Kabylie et rencontre un vieux qui lui parlait en kabyle et lui répondait en arabe algérien. Cette communication difficile lui fait toucher du doigt la question des langues en Algérie. Même pour la langue française qu’il maîtrise à la perfection semble lui poser des problèmes dans sa communication avec ses concitoyens, à commencer par sa propre mère, car quand, jeune, il se donnait corps et âme pour apprendre la langue française, stimulé par sa belle institutrice, il oublie la langue de sa mère. Cela dit, le pluralisme linguistique semble plutôt évoluer positivement en Algérie, puisque l’unilinguisme n’est plus de mise même dans les politiques linguistiques officielles. Il est toujours avantageux d’apprendre les langues étrangères, en plus de la sauvegarde des langues maternelles. Les enfants immigrants africains nous donnent, à ce propos, une véritable leçon, eux qui arrivent à parler l’arabe algérien et le kabyle, avec l’accent local des régions où ils se trouvent, avec une déconcertante aisance.

Echos littéraires - Merci Beaucoup Mehana.


lundi 30 septembre 2024

𝐍𝐚𝐬𝐬𝐢𝐫𝐚 𝐁𝐞𝐥𝐥𝐨𝐮𝐥𝐚 : 𝐍𝐨𝐮𝐯𝐞𝐚𝐮 𝐭𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐜𝐡𝐞𝐳 𝐀𝐦𝐚𝐳𝐨𝐧 - 𝐅é𝐦𝐢𝐧𝐢𝐬𝐭𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐈𝐬𝐥𝐚𝐦𝐢𝐬𝐭𝐞𝐬 (𝐈𝐧𝐧𝐨𝐯𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐨𝐮 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐬𝐭𝐮𝐫𝐞?

Page de couverture

 


Est-il concevable de doter le féminisme d’une identité spécifique en la liant à une pensée religieuse, tout en espérant tirer une option émancipatrice ? 







Oui, c'est tout à fait possible. L'essai de Nassira Belloula, "Féministes et Islamistes 1", explore justement cette question. Elle souligne que depuis quelques années, les femmes vivant dans des pays musulmans prennent la parole, se battent et luttent pour une émancipation et une transformation positive. Son essai revient sur la genèse de ce mouvement, explore des questions comme l'imamat au féminin, l'héritage, la polygamie et d'autres sujets abordés au sein de divers courants du féminisme islamique. «La prise de parole de Nassira Belloula et la qualité de son analyse de ce sujet d'actualité avec ses nuances et distinctions contribuent à faire progresser le débat sur le féminisme dans les pays musulmans 2».


  1 Chez Amazon, 2024

  2 Jury du Prix-Bourse Charles Gagnon [Québec].



dimanche 18 août 2024

Publication : 𝐑𝐞𝐯𝐞𝐧𝐢𝐫 𝐞𝐧𝐭𝐢𝐞𝐫 d’Amine Esseghir

Couverture


  « En 1992, le parti Front islamique du salut, le FIS, est aux portes du pouvoir en Algérie après avoir remporté le premier tour des élections législatives. Un coup d’État militaire annule le vote. 

« Des dizaines de militants islamiques prennent alors les armes pour revendiquer leur victoire politique. Confronté à une insurrection d’une violence inouïe, le pouvoir algérien mobilise l’armée dont 70 % des effectifs est composé d’appelés.»

Ainsi débute la présentation du livre d’Amin Esseghir dans la quatrième de couverture. L’auteur était un appelé entre 1994 et 1996. Il faisait partie d’un bataillon de l’armée. Il nous livre son témoignage à travers 18 récits dont les seuls titres sont déjà révélateurs du drame vécu durant cette période que l’on qualifie de décennie noire et qui fut en fait rouge sang : Escales, Arrivées, Les bombes, Refuge éthylique, Une embuscade…  

Dans le prologue, cette phrase qui en dit long : 

« Ma guerre à moi avait commencé en mars 1994. J’avais rejoint l’armée quand depuis deux ans, les Algériens vivaient en retenant leur souffle. (…) La survie biologique était remise en question au quotidien et la rationalité prenait le large. »

Je n’en dirai pas plus. À vous de découvrir ces récits poignants.

Amine Esseghir est journaliste, écrivain et documentariste Algéro-canadien. Il a déjà publié en Algérie en 2012, Yaghmoracen, raconté par Ibn Khaldoun, une bande dessinée dont il a écrit le scénario avec les dessins de Mohamed Kechida. Il a réalisé deux documentaires, dont L’épopée de la bataille de Timimoun qui fait appel aux témoins Algérien et Français de cette bataille pour le contrôle du Sahara durant la guerre d’indépendance en Algérie. 


Amine Esseghir, Revenir entier, 206 pages
L’Harmattan, Paris, 2023
L’Apothéose, Montréal 2023


jeudi 4 avril 2024

Salah Beddiari, une biographie !


Bientôt, dans une librairie à côté de chez vous, la première biographie de Salah Beddiari. Une initiative de Najib Redouane et de Yvette Bénayoum-Szmidt, deux auteurs que nous avons déjà présentés sur ce blog. 

Salah El Khalfa Beddiari est un poète néo-Québécois d’origine algérienne. Ex-professeur de sciences physiques, il a dirigé en 1998 le Centre Canadien d’Échange linguistique de Montréal, une école de langues spécialisée. Il est membre fondateur en 2001 de «Passerelle», un organisme littéraire qui fait la promotion de la littérature migrante. Il a lancé en 2012 la maison d’Édition Beroaf. Il est chroniqueur au Huffington post et publie des articles sur la littérature de la diaspora en tant que contributeur,

Dans la quatrième de couverture une présentation succincte : « Poète et écrivain concret et fécond, Salah El Khalfa Beddiari qui s’est installé à Montréal, demeure enraciné dans sa lointaine terre natale composant poétiquement avec la douleur de l’exil et le vide de l’absence. Il travaille phrase par phrase, mot par mot, syllabe par syllabe, créant ainsi une poésie d’alliances de mot auxquelles se prête la langue française.

« Son œuvre pose l’interrogation essentielle d’un intellectuel faite d’images gardées par la mémoire et que transfigurent les mots. Elle emporte le lecteur vers l’exploration des possibilités de son art d’écriture poétique et romanesque. Elle lui permet d’exprimer son point de vue critique, son engagement et un sens de la forme à la fois particulier et original contribuant à donner une nouvelle vision présente d’un temps passé.

 « Ce collectif vise justement à montrer, à travers les études inédites de vingt-quatre critiques, venant de neuf pays, que Beddiari a opté pour une esthétiques de l’insolite, de la cocasserie, de l’étrangeté, de l’allégorie comme paradigme d’une écriture étonnamment variée. Son énergie, son ambition ainsi que la richesse de ses connaissances et de son imaginaire ont fait de lui l’une des voix majeures au sein de la diaspora algérienne et maghrébine au Québec. »


mercredi 24 janvier 2024

Djaffar Kaci revendique Albert Camus, l'Équilibriste bienveillant

  

Photo de couverture
2023


Djaffar Kaci était au café Le Carrefour 1 samedi 20 janvier pour présenter ses livres, notamment son dernier 2, un essai sur Albert Camus, l’équilibriste bienveillant.








Cet ouvrage met en lumière l'importance de réhabiliter Albert Camus dans la culture et l'éducation, en insistant sur son lien avec l'Algérie et sa contribution à la littérature.

Albert Camus, souligne-t-il, a droit de séance dans nos livres d’école. Et de s’interroger : comment ne pas étudier l’enfant de Belcourt ?

Dans la quatrième de couverture, l’éditeur explique le choix du titre de cet ouvrage : « l'équilibriste bienveillant évoque cet incessant tiraillement entre l’amour profond et sincère qu’il vouait à l’Algérie et cette crainte folle de devoir quitter un jour son pays natal, advenant son indépendance.

« Tout un dilemme pour un philosophe qui n’a eu que très peu de temps pour profiter de son prix Nobel de littérature. Toute sa vie, Camus n'a cessé de militer pour une Algérie fraternelle et généreuse ».

L'essai de Djaffar Kaci met en lumière des aspects peu connus du grand public ou peu explorés de la vie et de la pensée d'Albert Camus, offrant ainsi une nouvelle perspective sur cet auteur majeur.

Dans la simplicité de son discours, Djaffar Kaci nous offre la profondeur à méditer. 

M.B.

1 Café le Carrefour, 3131 Bélanger (Montréal)
2 Albert Camus : l'équilibriste bienveillant, Édition Lulu, 2023
187 pages
ISBN : 9781312080010